Le 17 novembre 2000

LA QUESTION DES SECTES: UNE QUESTION D'EQUILIBRE

L'éditorial de Pierre Gravel intitulé: "Sectes, l'information avant les lois", paru le 29 octobre 2000 dans La Presse soulève plusieurs points importants.

M. Gravel mentionne l'initiative de la France qui donnera à son gouvernement le droit de dissoudre certains groupes et de considérer la manipulation mentale comme un délit. Il dit qu'une telle initiative serait difficile à réaliser au Canada en raison des Chartes des Droits et libertés. Au lieu de nouvelles lois, il affirme que le public devrait endosser des organisations qui offrent de l'information permettant aux gens de faire des choix plus judicieux.

Or, Info-Secte fait ce travail au Québec depuis 20 ans.

Nous sommes d'accord avec l'idée de limiter les pouvoirs de législation d'un gouvernement. Les lois existantes répondent aux multiples problèmes associés aux sectes et aux groupes sectaires. Il y a des lois en place pour contrer la fraude, les abus physiques et sexuels, etc. Ce qui manque, cependant, c'est une volonté politique de la part des responsables de poursuivre les "sectes" lorsque qu'elles enfreignent les lois. Mais il leur faudrait connaître le phénomène sectaire afin d'aider ceux qui sont en détresse ou qui formulent des plaintes. Créer de nouvelles lois n'est donc pas la solution.

D'abord et avant tout, le phénomène sectaire exige d'être examiné de plus près dans toute sa complexité et ses nuances. Lorsque nous entendons le mot "secte", aujourd'hui, des images de mort et de destruction, comme celles associées aux Davidiens à Waco, à l'Aoum au Japon et à l'Ordre du Temple Solaire au Québec, viennent facilement à l'esprit. Ce sont ces actes horribles et tragiques qui contribuent à nous convaincre que les sectes sont dangereuses. Et cela amène inévitablement le public à se tourner vers le gouvernement pour résoudre le problème.

Pierre Gravel nous rappelle que le Québec a eu sa part de "phénomènes sectaires", citant les exemples du Temple Solaire, des disciples de Roch "Moïse" Thériault et des Apôtres de l'Amour Infini. Mais il est important de se rendre compte que ces incidents ne concernent qu'un très petit pourcentage des mouvements d'aujourd'hui. La plupart des nouveaux groupes, même ceux que l'on peut considérer comme sectaires, ne sont pas des tragédies-en-devenir. Aussi ne devrions-nous pas nous attendre à ce que chaque personne impliquée devienne une victime. Chaque année, de nouveaux groupes voient le jour - religieux, spirituels, éducatifs, thérapeutiques, croissance personnelle, occultes etc. A prime abord certains de ces groupes peuvent paraître bizarres, parce que leurs croyances ou leur style de vie diffère de la normale. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'un tel groupe est une "secte" et constitue donc une menace pour ses membres ou leur entourage. Le point essentiel n'est pas la croyance d'un groupe, mais plutôt ses actions et sa conduite. Le groupe fait-il du tort à des personnes, physiquement ou psychologiquement? Constitue-t-il une menace pour la société? Si la réponse est affirmative, le gouvernement peut et doit intervenir.

En passant à l'action, un des plus grands défis d'un gouvernement démocratique est la marge très étroite entre l'utilisation de mesures draconiennes, ce qui empièterait sur les libertés individuelles, et l'inaction.

L'information, comme M. Gravel le dit si bien, est une solution en démocratie. Nous endossons entièrement l'idée de rendre l'information sur les "sectes" disponible au grand public, ainsi que l'implantation de programmes éducatifs.

Déjà, en 1980, un rapport gouvernemental de 780 pages, intitulé "The Study of Mind Development Groups, Sects and Cults in Ontario", soulignait le besoin d'information et d'éducation publique. Ces recommandations ont été endossées par plusieurs représentants du gouvernement provincial, certaines organisations professionnelles et autres, ici au Québec. D'autres pays ont publié des rapports similaires. Avec un consensus aussi grand sur les besoins d'information et d'éducation, quel est l'obstacle qui empêche de rendre ce service accessible au public?

Certaines agences gouvernementales pourraient jouer un rôle plus actif et consulter les groupes et les individus offrant déjà ce service public dont on a tant besoin. Le gouvernement pourrait aussi servir de catalyseur en

Si on prenait ces mesures préventives, beaucoup de tragédies et d'abus de toutes sortes pourraient être prévenus ou limités de façon significative. Le temps est venu de prendre au sérieux les préoccupations soulevées par l'activité des sectes et de réagir d'une manière démocratique en respectant les droits et les besoins des uns et des autres.

Mike Kropveld
Directeur général d'Info-Secte
Centre de documentation et
de consultation sur la pensée sectaire