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Le fonctionnement externe ou les relations entre les groupes

Les relations entre les groupes peuvent être une source de valorisation sociale, de production bénéfique pour une communauté, mais également un lieu d'échange aliénant pour certains groupes ou membres de ces groupes favorisant la formation de préjugés, de discrimination et de conflits dans ces relations. Dans cette partie du texte la question des relations intergroupes est abordée.

La formation de préjugés et l'influence sur les relations de groupes

Il existe deux explications différentes pour comprendre la formation de préjugés dans un contexte de relation intergroupe : la compétition entre les groupes pour l'accessibilité aux ressources disponibles et la théorie de l'identité sociale.

La compétition entre les groupesfn 86

La compétition intergroupe peut jouer un rôle important dans la formation d'idées, d'attitudes ou de comportements préjudiciables ou discriminatoires. Selon la théorie des conflits réels, la rareté des ressources et la compétition intergroupe pour les acquérir sont à l'origine de la formation de préjugés sur les membres des groupes adverses.

Lorsque les groupes sont engagés dans une telle compétition, des attitudes défavorables ou préjudiciables envers leurs compétiteurs peuvent être observées chez les membres d'un groupe.

L'identité sociale des membresfn 87

La théorie de l'identité sociale explique que le seul fait d'appartenir à un groupe particulier, à une catégorie sociale spécifique, favorise le développement de préjugés envers les membres des autres groupes.

En effet, la participation à la vie d'un groupe a pour objectif de favoriser la construction d'une image positive de soi. Pour ce faire, les groupes se comparent également avec les membres des autres groupes. Ce processus d'évaluation vise à satisfaire le besoin d'établir une identité positive. Ils se développent donc un favoritisme de groupe : les personnes vont spontanément considérer les membres de leur groupe comme des êtres de qualité et dénigreront les membres des autres groupes. Selon les situations, les membres des groupes adverses peuvent être perçus comme pervers ou amoraux. Cette perception peut parfois mener à la construction de préjugés ou à l'adoption de comportements discriminatoires.

Le sentiment de cohésion dans un groupe peut dans ce sens permettre l'accentuation des différences entre les groupesfn 88 . Le groupe peut progressivement séparer le monde en deux catégories soit eux et nousfn 89 fn 90 :

· Eux : les non-membres du groupe ou les membres d'un autre regroupement qui partagent des valeurs, des idées distinctes … ;

· Nous : les membres du groupe.

En résumé, lorsque les membres d'un groupe développent des préjugés contre les membres d'un autre groupe, ils développent aussi une image glorificatrice d'eux-mêmes. Lorsqu'ils se comparent avec les autres groupes perçus, par exemple, comme méchants, ils se sentent plus confiants de leurs compétences. Ils ont le sentiment qu'ils sont capables de vaincre tous les obstacles qui se trouveront sur leur route.

Cette attitude de glorification peut être utile pour construire un esprit d'équipe solide. Elle peut toutefois être problématique lorsqu'elle engendre la manifestation de comportements discriminantsfn 91.

Les stéréotypes dans les groupes

Les stéréotypes sont des croyances plus ou moins consensuelles que les gens entretiennent sur les comportements et la personnalité des groupesfn 92. Par définition, les stéréotypes sont des généralisations. Ils uniformisent la personnalité des membres des groupes qu'ils décrivent et accentuent les différences entre les groupes.

Les stéréotypes produisent une distorsion de la réalité. Ainsi, les membres d'un groupe perçoivent quefn 93 :

· Les membres des autres groupes se ressemblent tous. Les membres du groupe « A » diront par exemple que « les membres du groupe « B » sont tous des égoïstes malveillants ». Ces préjugés peuvent se développer même si les membres du groupe « B » possèdent des caractéristiques physiques et personnelles qui sont les mêmes que celles des membres du groupe « A »;

· La surestimation des différences entre les groupes amène les membres à se reconnaître comme des êtres différents les uns des autres, alors qu'ils considéreront les participants des autres associations comme des personnes toutes identiques.

Il faut toutefois noter que ce ne sont pas les stéréotypes qu'il faut juger, mais l'utilisation que les membres font de ceux-ci.

Les stéréotypes deviennent nuisibles lorsqu'ils engendrent le racisme et l'adoption de comportements discriminants envers un groupe et ses membres.

Les comportements discriminatoires

Un comportement discriminatoire peut être défini comme une tentative de restreindre les droits des membres de groupes adverses. Certaines situations augmentent l'écart entre les groupes et créent un contexte propice à l'adoption de comportements discriminatoires. Cette situation est probable lorsquefn 94 :

· Un groupe se définit comme autonome et autosuffisant et qu'il juge les relations avec les autres groupes inutiles ;

· Les membres des groupes adverses appartiennent à des catégories différentes comme une catégorie linguistique différente ou qu'ils ont des rôles et des statuts institutionnels différents ;

· Les intérêts des groupes sont conflictuels et que les gains réalisés par chacun impliquent une perte de profit pour l'autre groupe ;

· Lorsque les membres de chaque groupe pensent qu'il n'existe qu'une seule solution juste, vraie et rationnelle soit la leur.

Processus d'exclusion par le groupe : l'identification de bouc émissaire extérieur

Le groupe peut également adopter un comportement discriminatoire envers une personne ou un groupe afin de se libérer des tensions présentes à l'interne. Le groupe projette ainsi toutes les tensions sur un bouc émissaire. Ce dernier est donc reconnu comme le responsable de tous les problèmes rencontrés dans le groupefn 95. Il est la cible qui permet au groupe de s'unir et de s'allier pour lutter contre les problèmes que ce dernier cause au groupefn 96.

L'escalade des conflits

Les problématiques intergroupes décrites dans cette section (la compétition et l'identité groupale discriminatoire) entraînent parfois l'intensification de conflits entre les groupes. L'escalade est le résultat de la prolifération des attitudes et des comportements négatifs envers les autres groupes.

Cette escalade de l'affrontement et de la tension amène les groupes à ressentir de la peur, à percevoir leur ennemi comme de plus en plus menaçant. Ils peuvent ainsi ressentir le besoin de réagir au groupe ennemifn 97.

Dans des cas plus extrêmes, le groupe peut aussi prendre une attitude défensive face aux comportements et aux réactions d'un groupe ennemi. Ainsi, les membres peuvent être motivés dans ces circonstances à adopter une attitude de vigilance envers l'ennemi. Durant ce processus d'observation du groupe adverse, les membres du groupe peuvent rassembler des preuves afin de démontrer la malveillance du groupe à son égard. L'accumulation de preuves peut modifier et permettre de légitimer l'utilisation de comportements discriminants envers l'autre groupe.

Les conflits intergroupes : les sources et la dynamiquefn 98

Les conflits entre les groupes peuvent être exprimés sous plusieurs formes.

Dans une communauté, les séparations entre les intérêts des groupes peuvent mener à la polarisation et à l'hostilité entre les groupes.

Les conflits de faible intensité entre les ethnies, les races, les religions peuvent être exprimés par la formation de préjugés, par la discrimination et la protestation sociale.

Les conflits intergroupes ne sont pas uniquement le fruit de mauvaises perceptions ou de mauvaises compréhensions, ils peuvent aussi être basés sur des différences réelles en terme de pouvoir entre les groupes, d'accessibilité aux ressources, de valeurs de vie ou d'incompatibilités significatives. Les sources réelles de conflits peuvent toutefois être exacerbées par le processus subjectif que les personnes utilisent pour interpréter le monde et par le fonctionnement du groupe en rapport aux différences et aux menaces perçues.

À la limite, les différences perçues entre les groupes dans l'accessibilité aux ressources peuvent favoriser l'émergence d'un conflit destructeur. Un tel conflit peut être défini comme une situation sociale dans laquelle deux groupes s'affrontent. Ceux-ci peuvent s'opposer par l'incompatibilité de leurs perceptions, de leurs buts ou de leurs valeurs. Les groupes peuvent donc poser des gestes pour se contrôler mutuellement. Un sentiment antagoniste peut émerger de ces relations et favoriser, par exemple, le recours à des solutions extrêmes pour contrôler le groupe perçu comme dangereux ou problématique.

Les sources des conflits entre les groupesfn 99.

Les conflits peuvent être de nature économique. Les groupes s'affrontent pour obtenir des ressources qui sont souvent limitées. Afin d'éviter de perdre les ressources accessibles aux profits d'autres associations, le groupe peut mettre en place des stratégies parfois violentes.

Les conflits peuvent porter sur les valeurs. Il implique des différences dans les croyances et les préférences. Les conflits peuvent émerger sur la signification des valeurs et les comportements en accord avec celles-ci.

Une variété de groupes aux pratiques et aux croyances diverses se côtoie quotidiennement dans une communauté. Les relations entre ces groupes peuvent créer un climat propice à la mésentente. Ce dernier peut placer les groupes dans des situations d'incompatibilités et ainsi faire naître des sentiments hostiles et des comportements discriminatoires.

Des conflits peuvent apparaître sur des questions de pouvoir quand les groupes veulent maximiser leur influence et leur contrôle dans leurs relations avec les autres. Ce type de conflit peut être perçu comme une bataille pour la domination et le contrôle des autres groupes.

Conclusion

Le fonctionnement d'un groupe et l'expérience d'un membre peut varier selon les objectifs poursuivis dans le groupe; les normes qui régissent les comportements; les rôles et les statuts acquis par chacun des membres; la présence ou non d'un leader ; son style d'autorité, les modes de sanction en vigueur dans le groupe; la communication entre les membres; le processus de prise de décision ainsi que les liens qui unissent les membres.

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