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Ordre du Temple Solaire (OTS)

L'Ordre du Temple Solaire (OTS) est un groupe connu internationalement. Les meurtres, suicides et incendies criminels survenus en Suisse et au Québec en 1994, en France en 1995 et à nouveau au Québec en 1997 ont propulsé le groupe sur la scène mondiale. Son histoire remonte toutefois bien avant le début des années 1990. Le groupe est fondé en 1984, en France par Jo Di Mambro et Luc Jouretfn 137. Dans les paragraphes qui suivent, un résumé du cheminement du groupe est présenté.

Histoire du groupe

L'âge d'or de l'OTS

Les croyances et les traditions élaborées par Jo Di Mambro sont inspirées de son expérience entre 1956 et 1969 avec l'Ancien et Mystique Ordre de la Rose+Croix (AMORC)fn 138.

En 1976, Jo Di Mambro fonde le Centre pour la Préparation de l'Âge Nouveau.

Peu de temps après sa fondation, un petit groupe d'hommes et de femmes cohabite avec Di Mambro. Ce dernier leur transmet ses connaissances, ses croyances afin qu'ensemble ils préparent l'arrivée de l'âge nouveau. L'horaire quotidien des membres est alors partagé entre la propagation de la philosophie du groupe, la préparation de l'âge nouveau ainsi que les cérémonies ésotériques.

En 1978, Di Mambro fonde, à Genève, un second centre : la fondation Golden Way. Tout comme le premier centre, les membres de ce groupe croient que l'univers subira une transformation. La participation à la vie de ce groupe permet ainsi aux membres de préparer leur corps ainsi que leur esprit à leur passage vers le nouveau monde annoncfn 139.

Au début de 1980, Luc Jouret rencontre Jo Di Mambro. Ce dernier qui est alors à la recherche d'un homme charismatique pour présenter la philosophie du groupe au public, voit en Luc Jouret, l'homme capable de remplir cette mission. Luc Jouret est donc rapidement introduit dans l'un des groupes qui gravitent autour de Di Mambrofn 140.

La fondation de OTS : la période active

En 1984, la fondation Golden Way approuve et finance le déménagement de Jo Di Mambro et de sa conjointe au Canada.

Jouret et Di Mambro fondent alors l'Ordre du Temple Solaire.

Di Mambro est le leader du groupe. Il occupe toutefois un rôle d'arrière-scène dans le contact avec le public. Luc Jouret est l'image publique du groupe. Il offre des conférences en France, en Suisse et au Canada. Il participe également à des émissions radiophoniques où il entretient les auditeurs sur différents thèmes abordés dans les conférences offertes par le groupefn 141.

Entre 1984 et 1990 trois structures aux fonctions différentes sont créées:fn 142

· 1ère structure: le club Amanta

L'objectif de ce club est de diffuser la philosophie de vie du groupe ainsi que de rassembler une élite spirituelle afin d'atteindre un état de conscience supérieure. Ce club offre des conférences sur différents thèmes au Canada, dans les Caraïbes, aux États-Unis, en Espagne, en France ainsi qu'en Suisse. Bien qu'un très grand nombre de personnes assiste aux conférences du groupe, peu d'entre-elles se joignent ou sont choisies pour faire partie de l'élite.

· 2ième structure : le club Archedia

Après avoir rassemblé un petit nombre de personnes et leur avoir donné les connaissances de base dans le club Amanta, certains participants sont invités à se joindre à la structure nommée Archedia. L'objectif de ce club consiste à faciliter l'acquisition de connaissances privilégiées qui permettent de poursuivre le cheminement vers la conscience supérieure.

· 3ième structure: Organisation Internationale de la Chevalerie

Cette structure est accessible à un nombre encore plus restreint de participants. Ces membres ont accès à des publications spéciales et à des initiations différentes des membres des autres structures.

Entre 1984 et 1990, le nombre de membres dans chacune de ces structures augmente. En 1989, le nombre de membre atteint un sommet, le groupe recense 442 membresfn 143.

Di Mambro se présente aux membres comme un délégué des êtres supérieurs, comme le récepteur et le transmetteur des messages divins. Il reçoit d'ailleurs des messages durant les cérémonies du groupe.

Au cours de cette période, l'idée de construire des centres de santé en Europe et au Canada entraîne certains membres à donner plus d'argent à l'organisation.

Les conflits et le déclin

Au début des années 90, certains membres questionnent l'autorité et les pouvoirs mystiques de Jo Di Mambro.

Le fils de Di Mambro, Élie, questionne même les visions et les messages que son père reçoit des Maîtres. Il apprend d'ailleurs que les visions spirituelles, dont plusieurs membres ont été témoins, sont mises en scène par son père. Ainsi, l'image des êtres divins et les messages reçus sont produits à l'aide d'effets spéciaux, des hologrammes.

Après avoir découvert les techniques utilisées pour simuler les communications entre Di Mambro et les maîtres spirituels, le fils de Di Mambro diffuse cette information aux membres.

Cette dénonciation entraîne le départ d'une quinzaine de membres. Toutefois, plusieurs remettent en doute les accusations de fraude formulées par Élie, ils croient toujours que les manifestions des maîtres spirituels sont réellesfn 144.

Certains membres questionnent également les modifications dans le style de vie et le comportement de Di Mambro. Alors que l'ensemble des membres vit humblement dans les premières années du groupe, Jo Di Mambro vit de plus en plus luxueusement. Par exemple, il voyage en première classe et achète de belles maisons. En plus, il ne participe plus aux tâches quotidiennes du centre comme il le faisait au début du groupe.

Certains membres notent même une modification de l'attitude de Di Mambro envers eux. Alors qu'il était ouvert d'esprit et qu'il acceptait la critique, il devient autoritaire. Il exige maintenant des membres une obéissance inconditionnelle. Il redoute les compétiteurs. Certains membres ont même l'impression qu'il tente de les diviser afin d'avoir un meilleur contrôle sur eux.

D'autres critiquent le fait qu'aucun centre de santé n'ait été ouvert.

Au début des années 90, ces nombreuses critiques conduisent à une diminution du nombre de membres ainsi que de leur contribution financière (les revenus passent de 483 683 francs suisses en 1991 à 89 000 francs suisses en 1993).

Un rapport interne retrouvé dans l'un des ordinateurs du groupe démontre également que certains serviteurs qui doutent de Di Mambro veulent tout de même maintenir leurs liens avec le groupe et ses membres.

Pour moi, je crois en une loi cosmique. Je crois aux messages reçus, il y a 2000 ans que je m'efforce de vivre. Je crois à une éthique de vie qui m'a été enseignée par mes parents et que je m'efforce d'appliquer. Je crois en une conscience que je suis capable de trouver. Si je vais dans cette voie, je ne peux pas me tromper. Et ce n'est pas ces dires, vrai ou faux, qui pourraient me détourner de ce que je dois faire. Je continuerai à œuvrer dans l'Ordre et pour la mission tant que vous aurez besoin de moi et tant que je pourrai le fairefn 145.

En 1994, deux membres de l'Ordre du Temple Solaire écrivent une lettre dans laquelle ils dénoncent les comportements de Di Mambro. Ils lui reprochent entre autre l'utilisation de matériel vidéo afin de persuader les membres de ses pouvoirs mystiques. Pour eux, le comportement frauduleux de Di Mambro a détruit la fraternité construite par les membres. La disparition de l'argent des coffres du groupe et l'utilisation d'hologrammes pour simuler les pouvoirs de Di Mambro suffisent à détruire la confiance qu'ils ont dans le groupe. Ils remettent ainsi en question leur cheminement vers une connaissance supérieure.

Réactions sociales

Le groupe suscite certaines réactions dans son milieu de vie.

En 1991, Lucien Zecler, président de ADFI Martinique (Association pour la défense des familles et des individus), enquête sur l'OTS à la suite de la décision de plusieurs Martiniquais de se départir de leurs biens et de quitter le pays pour le Canadafn 146. Un ancien membre de l'OTS se rend d'ailleurs en Martinique pour sensibiliser les gens aux dangers que ce groupe peut représenter.

Au cours de cette période, différents organismes québécois reçoivent une lettre de l'ADFI Martinique, dont Info-Secte. Dans cette lettre, Lucien Zecler formule les craintes quant au fonctionnement du groupe. Il se questionne notamment sur l'utilisation de techniques de manipulation mentale pour assujettir les membres.

En 1993, la Sûreté du Québec (SQ-le service de police nationale québécois) enquête sur les menaces proférées par un groupe terroriste inconnu au Québec. Au même moment, ce service de police est informé de la tentative d'un membre de l'OTS d'acheter trois fusils équipés de silencieux. La SQ décide d'enquêter sur les activités du groupe.

Ainsi, les conversations téléphoniques du groupe sont mises sous écoute. La police suspecte l'OTS d'être ce groupe terroriste inconnu. Après quelques semaines d'enquêtes, la police reconnaît que l'OTS n'a rien à voir avec les menaces d'attaques terroristes. Toutefois, Luc Jouret ainsi que deux autres membres sont condamnés à un an de probation ainsi qu'à verser une amende de 1 000 dollars pour avoir acheté des armes illégales.

Les événements entourant l'arrestation et la condamnation de Jouret et de deux autres participants défraient les manchettes au Québec pendant quelques semaines. La surveillance policière ainsi que la publicité augmentent le sentiment de persécution des dirigeants du groupe.

Au cours de la même période, la conjointe de Di Mambro a de la difficulté à renouveler son passeport français. Ce renouvellement est retardé en raison d'une enquête portant sur des transferts de fonds effectués par Di Mambro et son épouse. La brigade financière française enquête sur un trafic éventuel de devises. Le consulat général de France à Montréal enquête également sur le couple afin d'analyser la prolongation de leur passeport. Ces événements ont pour effet de confirmer le sentiment de persécution de Di Mambro.

Au printemps 1994, certains membres se disent de plus en plus rejetés par leur communauté immédiate et le monde en général :

On est rejeté par tout le monde. D'abord par les gens, les gens ne peuvent plus nous supporter. Et notre terre, heureusement qu'elle nous rejette. Comment partirons-nous ? Nous on a un rejet aussi de cette planète. On attend le jour où l'on peut s'en tirer, la vie m'est insupportable, insupportable, je n'en peux plus. Alors tu penses à la dynamique que ça donne pour aller ailleursfn 147.

Jo Di Mambro sent également que le groupe fait l'objet de surveillance internationale :

Nous sommes en dessous de la vérité concernant la surveillance. Toutes polices du monde (Interpol, GRC, Services Généraux etc…) sont concentrées sur nous. Notre dossier est codé, personne n'y a accès sauf les chefs. Ils cherchent à arrêter tout le monde d'une façon ou d'une autre (frontières, avions…). Ils veulent nous retenir en Europe, surtout en France, pour nous juger. Nous ne savons pas quand ils peuvent refermer la trappe sur nous … quelques jours ? Quelques semaines ? Tous les comptes bancaires des personnes proches et concernées vont être bloqués sous peu, dès que tout sera lancé. Nous sommes suivis et épiés dans nos moindres mouvements. Toutes les voitures disposent de dispositifs pour nous repérer et nous écouter. C'est le dossier le plus chaud de la planète, le plus important des dix dernières années. Si ce n'est pas du siècle. Quoi qu'il en soit, le jeu a été fait que la concentration de haine contre nous va nous donner l'énergie suffisante pour partirfn 148.

La préparation au transit

Au début des années quatre-vingt-dix, la notion de transit est introduite dans le groupefn 149. Ce terme est utilisé pour décrire le départ volontaire des membres vers une autre planète afin de créer un nouveau monde.

Bien que le moyen utilisé pour effectuer le voyage entre deux planètes ne soit pas encore connu de Di Mambro, il décrit le transit comme un passage à travers un miroir ou encore comme un voyage dans un vaisseau spatial.

Lorsque les membres interrogent Di Mambro sur le sens du transit, ce dernier le décrit comme un retour vers le père.

Avec le temps, la notion de transit s'est transformée. Un membre explique, lors d'un interrogatoire, qu'initialement le transit était décrit comme un changement de consciencefn 150.

Dans les années quatre-vingt-dix, la modification de la conscience est décrite comme nécessitant une certaine préparation ainsi qu'un transfert vers un autre univers. Di Mambro explique à certains membres qu'un jour ils seront appelés à une rencontre dans laquelle le transit sera accompli. Il précise aux membres qu'ils doivent être aux aguets 24 heures par jour afin d'être prêts au moment du transit.

Désir de communiquer un message : préparation de ce qui sera légué

Les documents recueillis par les différents corps de police en France, en Suisse et au Québec montrent le désir de Di Mambro de créer un mythe autour du transit de l'OTS. Il écrit des lettres destinées à différentes personnalités publiques, qui expliquent leur départ. Il tente également de détruire l'ensemble de la documentation du groupe afin de préserver le mystère autour de leur départ.

En 1993, différentes versions papiers et vidéo sont produites afin d'expliquer le départ du groupe vers Sirus.

Le coup d'éclat prévu par le groupe est entaché six mois avant leur départ par la tragédie de Waco. La police suisse retrouve, lors de leur enquête sur l'OTS, un document audio d'une conversation entre Di Mambro et Jouret au sujet de ces événementsfn 151. Voici un extrait de cette conversationfn 152 :

Luc Jouret : Waco nous a battu de 6 mois.

Jo Di Mambro : À mon opinion, nous aurions dû partir 6 mois avant eux. Ce que nous alors faire va être beaucoup plus spectaculaire.

Le 3 octobre 1994, Di Mambro remet à un membre suisse 300 enveloppes à expédier à différents endroits dans le monde le 7 octobre 1994. Ces enveloppes contiennent des textes de l'OTS, une copie d'une lettre adressée au ministre de l'Intérieur français et un enregistrement vidéo.

La lettre envoyée au ministre français est jointe dans les envois postaux de Di Mambro. Cette lettre a pour objectif d'établir la vérité quant aux faits qui ont précipité le transit. L'Ordre du Temple Solaire attribut d'ailleurs la responsabilité de la mort de plusieurs membres au gouvernement français.

Nous vous accusons d'avoir délibérément voulu détruire notre Ordre et d'en avoir fait une raison d'État. Nous vous accusons, Monsieur Pasqua, d'avoir prémédité un assassinat collectif. Nous avons par conséquent décidé de quitter les plans terrestres prématurément car nous sommes conscients de votre volonté de détruire l'Oeuvre que nous avons accompliefn 153.

Dans le groupe, ceux qui ont enfreint le code d'honneur sont considérés comme des traîtres. Selon certains membres du groupe, les traîtres ont subi et subiront le châtiment qu'ils méritent pendant des siècles.

Les transits

1er transit : Au Québec

Le 4 octobre 1994, la police de Morin Heights au Québec se rend sur les lieux d'un incendie. Deux cadavres calcinés sont retrouvés dans un chalet, ceux de Collette Rochat et de Jerry Genoud.

Le 6 octobre 1994, les corps de deux adultes ainsi que de leur bébé sont également retrouvés dans un placard du même chalet de Morin Heights.

Les autorités affirment que l'autopsie pratiquée sur les corps permet de confirmer qu'ils ont été assassinés le 30 septembre 1994. Selon l'enquête policière, les meurtriers auraient fui en Suisse, après le meurtre. Les corps retrouvés sont ceux de Tony Dutoit, de sa femme, Suzanne Robinson et de leur jeune fils, Christopher Emmanuel Dutoit, identifié comme l'antéchrist par Di Mambro.

En Suisse

Un peu avant minuit, le 4 octobre 1994, dans le village de Cheiry, en Suisse, un feu se déclare dans une résidence. Quelques heures plus tard, à Granges-sur-Salvan des incendies éclatent dans trois chalets différents.

Vingt-trois morts sont découverts sous les décombres à Cheiry et 25 sont retrouvés à Salvan.

L'analyse des informations recueillies dans les documents retrouvés sur le lieu des incendies permet aux enquêteurs de reconstituer les événements. Ils rapportent que :

· Les victimes de Cheiry avaient été appelées pour une rencontre le 2 octobre 1994 et qu'elles étaient probablement décédées avant le 3 octobre 1994 ;

· Les personnes retrouvées sans vie à Cheiry ont pour la plupart absorbé un soporifique ;

· Après autopsies, 65 balles d'armes à feu sont retrouvées dans le corps des victimes.

L'enquête policière tant en Suisse qu'au Québec révèle que certains des 53 membres de l'OTS ont été assassinés. Bien que les décès par balle de Cheiry peuvent être techniquement considérés comme des meurtres, il est difficile de distinguer le nombre de personnes consentantes et celui des personnes assassinées.

Le bilan de ce premier transit démontre qu'entre le 4 et le 6 octobre 1994, 53 membres de l'OTS ont été retrouvés sans vie (5 au Québec et 48 en Suisse). Trois méthodes différentes ont été utilisées pour exécuter le transit;

· Au Québec, les membres de l'OTS ont été poignardés et carbonisés;

· À Cheiry, ils ont consommé des soporifiques et ont été tués par arme à feu ;

· À Salvan, ils sont morts par empoisonnement.

2e Transit

Quatorze mois après le premier transit de membre de l'OTS, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, seize personnes (13 adultes et 3 enfants) sont immolées par le feu dans une clairière d'un plateau du Vercors, en France.

L'enquête policière révèle que 14 des 16 personnes décédées dans ce transit ont absorbé des sédatifs pour ensuite être tuées par deux balles d'arme à feux.

Deux membres avaient la mission d'exécuter les 14 personnes. Ces deux tireurs ont aspergé les cadavres d'un accélérant pour les brûler. Les deux tireurs se sont par la suite aspergés de cet accélérateur, s'immolant ainsi tout en se tirant une balle dans la tête.

Des témoignages recueillis par la police suisse et française illustrent que, peu de temps après le transit de 1994, les membres restants ont poursuivi leurs rencontres. Certains membres regrettaient de ne pas avoir été du premier transit. Bien que certains d'entres eux aient été outrés des circonstances entourant le premier transit, ils en sont progressivement venus à la conclusion que les méthodes utilisées par Luc Jouret et Jo Di Mambro était en fait positives. Les membres s'étaient ainsi sacrifiés afin de sauver la conscience du monde et préparer la voie à de futurs transits. Une partie des membres restants a donc décidé d'utiliser les mêmes méthodes pour exécuter leur propre transit vers le nouveau monde.

3e transit

Le 22 mars 1997, à St-Casimir, au Québec, cinq personnes dont quatre membres de l'OTS se suicident. La cinquième personne est le parent d'un membre. L'enquête permet à la police de découvrir une lettre expliquant cet acte. Pour les membres, cette procédure leur permettrait d'effectuer un retour parabolique vers le nouveau mondefn 154.

Analyse du fonctionnement interne et externe du groupe

Les croyances du groupe et leur influence sur le transit

Les croyances de l'Ordre du Temple Solaire sont diverses, certaines émanent des dogmes néo-templiersfn 155 tandis que d'autres sont d'influences environnementales et ésotériques.

Dès 1952, Jo Di Mambro se joint au groupe AMORC (Ancien et Mystique Ordre de la Rose+Croix). Il utilisera plusieurs croyances de ce groupe au moment de la création des différentes structures de son groupe dont l'OTS.

En octobre 1987, lors de deux conférences, Luc Jouret présente les croyances de l'OTS. Il les décrit de la façon suivantefn 156 :

· Rétablir la notion exacte d'autorité et de pouvoir dans le monde ;

· Affirmer la primauté du spirituel et du temporel ;

· Redonner à l'homme la conscience de sa dignité ;

· Aider l'humanité en son passage ;

· Participer à l'assomption de la terre sur les trois plans : corps, âme et esprit ;

· Concourir à l'unité des Églises et œuvrer à la jonction chrétienté – Islam ;

· Préparer le retour du Christ en gloire solaire.

Le groupe avait d'autres croyances qui variaient sur différents thèmes comme la survie, l'apocalypse, l'environnement ainsi que le caractère particulier de leur mission dans l'univers.

Une transformation du discours et des croyances : de la survie à apocalypse.

Certaines croyances du groupe avaient un ascendant apocalyptiquefn 157. Le discours de Luc Jouret tournait souvent autour des problèmes de santé de la race humaine ainsi que de l'état de détérioration ou de la destruction de la terre par les forces naturelles comme l'éruption de volcan, la pollution, etc.

Au début, Di Mambro et Jouret croyaient recruter un ensemble d'hommes et de femmes suffisamment forts pour survivre à la dégénérescence de la planète terrefn 158. Une analyse des discours des adeptes de l'OTSfn 159 en 1987 illustre déjà les croyances apocalyptiques du groupe. À cette époque, les dirigeants et les membres croyaient que la Terre allait un jour être détruite et qu'ils seraient les seuls survivants.

Au début des années quatre-vingt-dix, le concept de transit prend de l'importance dans le groupe. L'idée de vivre sur la Terre est de moins en moins pensable. Le passage du groupe vers un autre milieu devient une possibilité de plus en plus logique tant pour les leaders que pour plusieurs membres.

Le peuple élu

Les membres de l'OTS se décrivent comme de nobles voyageurs en attente du transfert vers le lieu de la conscience originellefn 160. Ils se perçoivent comme des êtres différents de la masse, parce qu'ils ont pris conscience de la vérité. Ils ont le sentiment d'avoir une mission spéciale à accomplir.

Progressivement, le sentiment d'être des membres différents a influencé ces personnes à reconnaître qu'elles avaient peu de choses en commun avec le reste du monde.

Jo Di Mambro en arrive également à décrire l'OTS comme un groupe très important dans l'histoire du monde. En effet, il croit que le groupe est surveillé et poursuivi par les plus hautes autorités internationales peu de temps avant le 1er transit. Cette idée est valorisante aux yeux des membres, ils se croient très importants pour mériter une telle attentionfn 161.

L'actualisation de la croyance apocalyptique

Le style d'autorité de Di Mambro, le fonctionnement et les conflits internes ainsi que les relations externes sont tous des éléments qui, combinés, ont créé un contexte propice aux suicides et meurtres des membres du groupe.

Le leadership

Jo Di Mambro est l'unique autorité dans le groupe. Il est d'ailleurs reconnu comme l'être humain choisi par les forces divines pour transmettre leurs messagesfn 162. Ce pouvoir, permet à Di Mambro d'avoir une capacité d'influence dans le groupe. Celui-ci devient plus important lorsque Di Mambro réussi à communiquer avec les êtres divins en présence des membres. Il acquiert ainsi un pouvoir mystique qui lui permet d'exiger une soumission de plus en plus grande de leur part.

Il en arrive ainsi à détester les membres qui remettent en doute son pouvoir ou son autorité.

Toutefois, au début des années quatre-vingt-dix le pouvoir de communication de Di Mambro est remis en question par son fils. Certains membres croient que Di Mambro les a escroqués en utilisant des effets spéciaux pour simuler la présence d'êtres spirituels.

Après cette dénonciation, Di Mambro devient un peu plus contrôlant face aux membres restants du groupe. Certains documents mentionnent même l'intention de Di Mambro de punir ceux qui ont causé du tord à l'organisation de la Rose+Croix. En fait, ceux qui quittent le groupe à cette époque sont considérés comme des ennemis qui méritent d'être punis.

Plusieurs événements ont favorisé la détérioration des liens entre Di Mambro et certains membres. Voici une liste des conflits internes :

· Diminution des revenus du groupe ;

· Désistement de plusieurs membres dont certains donateurs ;

· Découverte de l'utilisation d'effets spéciaux pour simuler la présence de communication spirituelle avec les maîtres de la connaissance originelle ;

· Certains membres parlent contre Di Mambro et créent un climat de méfiance ;

· Certains membres questionnent les modifications dans le comportement de Di Mambro : modification de son style de vie, de la gestion des finances, une attitude de plus en plus autoritaire. Il n'aide maintenant plus aux tâches quotidiennes, redoute les compétiteurs, divise les membres pour mieux les contrôler ;

· Conflit entre Luc Jouret et Di Mambrofn 163.

Relation entre le groupe et la sociét

éAu cours des années quatre-vingt-dix, le groupe a connu quelques problèmes avec d'anciens membres, des représentants d'organisations gouvernementales, ainsi que des représentants d'institutions de contrôle social. Ces difficultés ont fait naître chez les dirigeants et progressivement chez les membres un sentiment de persécution.

Di Mambro et les membres du groupe en sont arrivés à percevoir une réaction sociale hostile de plus en plus importante à leur égard. Ce sentiment a influencé la perception du transit comme une solution acceptable. Voici une liste des événements qui ont favorisé le développement et l'accroissement d'un sentiment de persécution.

· En 1991, l'ADFI Martinique s'interroge sur la décision de plusieurs Martiniquais de se départir de leurs biens et de quitter leur pays pour le Canada. Le groupe envoie donc une lettre à plusieurs organismes québécois et françaisfn 164 ;

· La diffusion dans les médias du témoignage d'un ancien membre de l'OTS qui soulignait l'influence négative du groupe ;

· En 1993, la Sûreté du Québec enquête sur l'OTS. Ce service de police écoute électroniquement les conversations téléphoniques du groupe pendant plus de trois semaines, et observe également les déplacements des membres ;

· À la suite de cette enquête, Luc Jouret et deux autres membres sont arrêtés et condamnés pour achat d'armes à feux et de silencieux. Ils sont condamnés à un an de probation ainsi qu'à verser une amende de 1000$ ;

· La conjointe de Di Mambro éprouve des problèmes pour renouveler son passeport, parce qu'elle est soupçonnée avec son époux de transférer illégalement des fonds importants en Australie ;

· Le consulat général de France à Montréal enquête sur le couple afin de savoir si leur visa devait être prolongé.

En conclusion, en analysant le fonctionnement interne et externe du groupe, un ensemble de critères peut avoir influencé le premier transit du groupe. En voici une liste :

· Les croyances apocalyptiques du groupe ;

· La croyance au pouvoir mystique : l'existence d'une source originelle de la conscience vers laquelle les membres du groupe retourneront un jour ;

· La mission : les membres du groupe se percevaient comme des détenteurs d'une mission spéciale soit celle de répandre la connaissance au monde pour ensuite retourner comme peuple élu vers la source de cette conscience ;

· Les tensions grandissantes à l'intérieur du groupe ;

· L'acceptation du transit comme l'unique solution à leur problème.

La Charte des droits et libertés du Québec et la protection des droits des membres de l'Ordre du Temple Solaire

A l'aide des différentes études portant sur l'Ordre du Temple Solaire, il est possible d'identifier certains comportements des dirigeants et des membres qui peuvent être à l'encontre de droits et de libertés inscrits dans la Charte.

Il est évident que le droit à la vie des membres et des enfants assassinés n'a pas été respecté et que le droit de certains membres et ex-membres à la jouissance et à la libre disposition de leurs biens a été brimé puisqu'ils n'ont pu récupérer l'argent investi dans le groupe.

Au Québec, trois membres du groupe ont été arrêtés après avoir acheté des armes sur le marché noir. La police a procédé à leur arrestation après trois semaines d'écoute électronique.

L'intervention policière ainsi que celle des instances gouvernementales ont eu pour effet d'augmenter le sentiment de persécution de Jo Di Mambro, ce qui a entre autre précipité l'élaboration du transit.

À la lumière du portrait historique tracé précédemment, il est difficile d'observer un moment particulier où les interventions des services policiers ou de la justice auraient pu prévenir les simulations spirituelles de Di Mambro qui cherchaient à convaincre les membres de son pouvoir mystique ou quels types d'interventions auraient pu prévenir les meurtres, suicides et incendies criminelles.

En ce qui concerne le destin tragique des six enfants, aucune plainte pour mauvais traitements ou négligence n'a été rapportée aux autorités avant le transit de 1994.

Bien qu'il soit difficile de croire que la liberté des membres de l'OTS ait été maintenue dans le groupe, il est difficile de spéculer sur ce fait. La vie de Tony Dutoit, de sa femme et de son enfant aurait pu être protégée mais ce, uniquement à la condition que ce dernier ait porté plainte à la policefn 165.

En conclusion, pour plusieurs personnes, la participation à l'Ordre du Temple Solaire fut fatale. Aussi simple que cela puisse paraître, prédire le destin tragique de l'OTS aurait été difficile puisque l'information sur les intentions du leader n'a pas été transmise à des instances de contrôle social ou à toutes autres personnes de l'extérieur.

Afin de protéger les membres de l'OTS, il aurait été important que des membres et anciens membres portent leurs griefs devant les tribunaux ou tout autre groupe d'aide ou de soutien, ce qui n'a pas été fait. Il est difficile d'intervenir sans la présence d'informations sur les actions concrètes que planifie ou porte le groupe.

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